"Papa !" La petite fille traversa tout le couloir et s'empara -assez brutalement- du pauvre téléphone, déjà mal en point. Ca faisait si longtemps qu'elle n'avait ni vu ni entendu son père ! "Salut Beth." entendit la petite Beth dans le combiné. "Papa ! Quand est-ce que tu viens ?" Noah Marshall semblait hésiter. "Beth, tu sais que je suis très occupé, en ce moment je joue tout le temps !" La fillette sentit les larmes couler et les sanglots monter dans sa gorge. "Mais papa, t'avais promis..."
De son côté, à Chicago, Noah avait également les larmes aux yeux. Il détestait devoir dire à sa fille qui ne pourrait pas venir, comme d'habitude. Alors il sortit ce vieux mensonge : "Dans quelques heures je serais à la maison, je te le jure. Bisous ma puce." Il raccrocha le téléphone, le coeur en miette. Il aimait tellement sa fille, et il ne la voyait que si peu... Comment expliquer que ne pas la voir était la seule façon de gagner un peu d'argent ? Le basket était un bon gagne-pain, qui permettait à la petite famille de vivre confortablement, cependant Noah souffrait énormément. Il n'aimait pas sa vie, il voulait tellement être avec Beth. C'était son obsession, sa raison de vivre, son peacemaker en quelque sorte.
"Maman ! Papa va venir, papa va venir !" Beth se sentait pousser des ailes. Son père serait enfin là, juste pour elle, pour son anniversaire. La petite fille sauta dans les bras de sa mère, Rachel. "A ta place, je n'espérerais pas trop..." Beth dévisagea un instant sa génitrice. "Papa a promis ! D'abord, tu n'en sais rien !" La fillette n'aimait pas quand sa mère ne croyait pas son père. En fait, elle n'aimait pas sa mère; caprice de gosse, peut-être, enfin ce jour-là, elle courut s'enfermer dans sa chambre, et hurla dans son oreiller, puis se mit à pleurer. "Papa..." Finalement, son père n'est pas venu, et sa mère avait raison, comme toujours.

14 SEPTEMBRE 2004, HÔPITAL DE TIJUANA, MEXIQUE.

"Son état est critique, mademoiselle. Il faut vous préparer au pire." Beth approuva d'un signe de tête. De toute façon, sa mère morte ou non, ça ne changerait pas grand chose : elle s'occupait si peu d'elle ! Néanmoins, en entrant dans la petite chambre d'hôpital, la gorge de la jeune fille se noua. Doucement, elle s'approcha de sa mère, allongée dans le lit. A côté d'elle, les machines émettait de petits bruits réguliers. Beth amena une chaise près du lit et s'assit. "Maman, je suis désolée pour tout..." Prise de remords, la jeune fille se mit à sangloter sur le lit. Elle avait été tellement odieuse avec sa mère ! Tellement de fois elle l'avait insultée de ne jamais croire ni en elle, ni en son père ! Combien de temps ne lui avait-elle pas parlé ? Pourquoi il fallait toujours que Beth se rende compte à quel point elle aimait les gens trop tard ?
La jeune fille se releva vivement, et sortit son portable pour passer un appel. "Papa !" sanglota-t-elle dans le combiné. "Beth ! Ca va ?" Depuis Los Angeles, Noah s'inquiétait. Quelque chose n'allait pas, son instinct de "père" le sentait... Si on pouvait l'appeler "père", celui-ci avait été tellement absent ! "Maman s'est fait tiré dessus... Viens ! Viens s'il te plaît !" Une vague de panique s'empara de Noah. A vrai dire, il se fichait assez royalement de son ex-femme, mais entendre tellement de détresse dans la voix de sa fille lui brisait le coeur. "Beth, je ne peux pas, tu sais bien..." "Mais j'ai besoin de toi ! J'AI BESOIN DE TOI, LA TOUT DE SUITE !" Beth éclata. Elle allait perdre sa mère -à cause d'elle en plus-, et son père n'était pas là. Il n'était jamais là. Petite fille, elle osait le croire quand il disait arriver dans quelques heures, mais plus maintenant; ses illusions et ses espoirs s'étaient brisés depuis trop longtemps. "Bon d'accord. J'arrive." Beth raccrocha. Elle ne voulait pas le croire, elle savait qu'il ne viendrait pas, comme toujours. Néanmoins, un petit bout d'espoir commençait à naître dans le coeur de la jeune fille, malgré elle.
Noah sortit de sa confortable demeure. "Tu vas où, comme ça ?" demanda froidement la nouvelle femme de Noah, Megan. "Je vais voir Beth, à Tijuana." "T'en as pas marre ? Tu me gâches la vie avec cette fille ! Merde, t'avais que 17 ans à l'époque, t'en as 33, pourquoi tu penses encore à cette gosse ? Oublie-la !" Noah ne tint pas compte de la remarque de Megan, et monta dans sa voiture. D'un côté, elle avait raison. Noah et Rachel, au début ce n'était qu'une idylle d'adolescente, qui a viré au cauchemar quand Rachel est tombé enceinte. Désormais, il était une super-star du basket américain, et si quelqu'un apprenait qu'il avait une fille, une fille qu'il avait eut à 17 ans ! Sa carrière serait fichue. Mais il ne pouvait pas l'oublier. Beth était sa fille, putain ! Beth était son oxygène.

"Beth..." La jeune fille se leva du fauteuil de la salle d'attente où elle somnolait. Elle aurait voulu prendre son père dans ses bras, mais elle ne pouvait pas. "Maman est morte." A ce moment, tout dégoûtait la jeune fille : elle se dégoûtait elle-même, et surtout son père la dégoûtait. Tout le ressentiment qu'elle éprouvait à son égard venait soudainement de ressortir. Noah fut décontenancé. "Mais... Pourquoi elle s'est fait tiré dessus ?" "Je suis une droguée, papa, et maman à voulu me sauver, elle." Cette nouvelle fut comme une bombe. Quoi, sa fille était une droguée ? Sa fille, sa fille à lui ? "Je suis désolée que t'ai fait tout ce chemin pour rien, tu ferais mieux de retourner avec Megan. Après tout, je comprend que tu ne veuilles pas que les journalistes apprenne qu'à 17 ans, t'as eu une fille que t'as jamais élevé et qu'elle est droguée par dessus tout." Beth ne se serait jamais crue capable d'autant de méchanceté. "Au revoir, Beth. Je t'aime." Un bisous, et hop, c'était reparti pour une bonne journée de route. Finalement, Noah ne regrettait pas d'avoir fait tout ce chemin. Maintenant, il savait que sa fille ne l'aimait pas, même si le basketteur l'aimait plus que tout au monde. C'était triste, et tout cela le rendait extrêmement malheureux, mais c'était ainsi.

5 JANVIER 2012, TIJUANA, MEXIQUE.

"Cameron..." Le jeune homme, ignorant la plainte de la jeune fille, se jeta sur elle et lui donna un fougueux baiser. Beth le repoussa. Ce n'était pas l'envie qui manquait : elle aimait Cameron, elle aimait ses baisers et elle aimait aller plus loin avec lui aussi. Mais aujourd'hui, non, elle avait quelque chose de trop lourd dans son coeur... ou dans son ventre plus précisément. Le jeune homme commençait à lui soulever la jupe. "Cameron arrête ! Faut que je te dise quelque chose !" Cameron, comme un petit chiot bien dressé qu'il était, s'arrêta immédiatement. "Bon, dépêche alors..." "... Je suis enceinte." Cameron parut extrêmement surpris. "Euh, de qui ?" Beth soupira. Ce qu'il pouvait être stupide des fois ! "Du voisin ! Mais non de toi, gros bêta !" Le beau blond ne réalisa toujours pas qu'il allait être père, enfin surtout il ne le voulait pas. Il n'avait que 24 ans, et le mental d'un gosse de 10 ans. "Ben, euh, je sais pas, tu peux pas avorter ?" Une colère folle s'empara de la jeune fille, colère sûrement amplifiée par les hormones de grossesse. "C'est pas si simple ! Peut-être que je le veux quand même, ce gosse !" "Dans ce cas, il ne fallait pas le faire !" Beth soupira, tout en passant une main dans les cheveux. Elle aimait Cameron, de tout son coeur, il n'y avait pas de doute. Mais parfois -même souvent- sa crétinnerie lui tapait sur le système. "La faute à qui ? LA FAUTE A QUI ?!"
Tout s'embrouillait dans la tête du bel Australien. Un bébé... Non non, ce n'était pas possible. Pourtant si. Il ne comprenait plus rien. "Je ne pourrais jamais l'élever, tu me connais..." reprit-il d'un ton plus calme. "Je veux que mon bébé ait un père à ses côtés qui puisse l'aider et l'aimer, si ça te pose un problème d'aimer ton gosse, comme un gros lâche, autant le dire tout de suite." La jeune femme croisa les bras. Elle ne voulait pas commettre la même erreur que sa mère, c'est-à-dire avoir un enfant avec un homme qui s'en fiche royalement. Son bébé ne connaîtra pas la même galère que ce qu'elle avait vécu. Cameron soupira. "Je peux pas ! Je peux pas être père !"
Beth sentit le feu monter dans ses joues. D'un geste rageur, elle claqua la porte de l'appartement de son petit ami et monta dans sa voiture. Sur le siège passager traînait un petit sachet d'herbe et un paquet de papier cigarette. Rapidement, d'un geste sûr, Beth seroula un joint de marijuana et l'alluma. Au début, un grand bien-être s'empara d'elle pendant qu'elle allumait le moteur. Elle finit son joint en un rien de temps, mais peu après être rentrée chez elle, le bad trip commença.
D'abord, elle crut voir Cameron et son père sur son canapé. Une violente angoisse lui enserra les poumons, l'empêchant de respirer. Beth s'effondra par terre, suffoquant. Au bout de quelques minutes, il lui sembla que les murs se rapprochait, pour l'enfermer dans une tombe immense. La blondinette essaya tant bien que mal de se relever et s'assit à la table de lui cuisine. Elle n'était plus dans son état normal. Elle s'empara d'un couteau et se mit à dessiner diverses formes sur son ventre : d'abord un bébé, puis un couteau passant à travers ledit bébé, tout cela en rigolant d'un rire machiavélique et très inquiétant. Puis, cédant à une nouvelle bouffée d'angoisse, la jeune fille tomba sur le pavé de sa cuisine et s'endormit.
Elle n'entendit pas Cameron rentrer dans son appartement, et elle ne sentit pas quand celui-ci le prit dans ses bras et la coucha dans son lit.