▻ Manies et habitudes
tirer les ficelles depuis les coulisses, c'est un art dans lequel elle se complet à la perfection, et elle y excelle avec art : femme de politique, qui sait, c'est peut-être sa vocation à venir. ★ il ne faudrait pas croire les clichés sur les blondes avec elle, ce serait cruellement se tromper : plus que manipulatrice, elle est extrêmement cultivée et stratégique, et elle est bien plus dangereuse que beaucoup peuvent le croire. ★ elle fume mais qu'occasionnellement, et des cigarettes très light, elle n'est en rien dépendante de la nicotine ou quoique ce soit, ce serait un bien triste paradoxe par rapport à ses volontés. ★ plus bornée qu'elle, ça n'existe pas et l'expression "ne pas lâcher le morceau" doit avoir été créée pour elle, quoique avant sa naissance. ★ sa fierté, elle sait la mettre sur le côté parfois, notamment pour ce qui est de l'argent et du pouvoir : ainsi en tant qu'escort de luxe, c'est généralement aux bras d'hommes riches et plutôt âgés qu'on la croise souvent : ça révèle bien son côté vénal. ★ sa voiture, c'est un cabriolet de sport de collection offert par son père, sans doute dans l'espoir que ce cadeau compense tous les manques dont elle a pu souffrir plus jeune. ★ généralement, elle a trop de fierté et de "considération" pour elle-même pour coucher avec les hommes avec qui elle sort dans le cadre de son métier, mais il se peut très bien que ça arrive, avec une proposition digne de ce nom. ★ elle a un chat, un siamois aux poils longs qui transpire le luxe tout autant qu'elle, un animal qu'elle chérit plus que tout - ou presque. ★ le champagne est son alcool favori, doux et farouche à la fois, un peu comme elle... de plus, elle n'a rien à envier aux hommes niveau alcool, puisqu'elle le tient très bien, et qu'elle enchaîne depuis son adolescence assez facilement des alcools comme le whisky, la tequila ou le rhum. ★ depuis petite fille, elle pratique l'excellence sous tout rapport, elle a fait de la danse classique, même si elle n'a pas les formes qui pourraient le traduire, du piano ainsi que de l'équitation à très haut niveau, un talent qui lui offre un sens de l'observation hors du commun : elle parie souvent sur les courses de chevaux pour les hommes qu'elle accompagne. ★ ses atouts, elle les connaît particulièrement bien et sait en jouer avec talent, et bien entendu, ça marche depuis toujours. ★ elle déteste fêter son anniversaire, non pas parce que c'est une question d'âge (ce serait quand même dramatique à seulement 24 ans) mais parce que cette fête n'a toujours été qu'un prétexte à la déception pour elle. ★ elle a un côté féminin très prononcé et pourtant, ses programmes télé favoris restent ceux qui concernent le sport, notamment le superbowl... à tijuana, elle a appris à apprécier d'autres sports. ★ elle n'a rien d'une femme d'intérieur et n'a probablement jamais touché à un gramme de vaisselle ou à un seul balai : et encore, même à tijuana elle a une femme de ménage, en revanche elle reste l'intendante de la maison qui décide de tout. ★ appelez-la insensible, mais elle n'a jamais pleuré : tout simplement parce qu'elle n'a jamais échoué dans tout ce qu'elle a entrepris, et que l'échec serait le seul prétexte à lui faire verser une larme : elle est trop peu attachée à sa famille pour pleurer les miettes restantes de celle-ci. ★ l'ouverture d'esprit jusqu'à l'extrême, est pour ainsi dire, l'une de ses principales qualités, elle n'a pas froid aux yeux, pour quoique ce soit et l'éthique chez elle ça n'existe pas des masses, pour faire simple, quand elle décide quelque chose, elle ne démord pas.

▻ Votre dépendance
Quand on a grandi dans le luxe et l'opulence, il n'est guère surprenant d'en devenir dépendant avec le temps... et encore, l'esprit farouche de Paige reste persuadé qu'elle n'est pas victime de la moindre dépendance. Mais sans argent, elle reste persuadée qu'elle n'est rien et vivre dans tout ce qui est cher et clinquant, lui fait sans cesse repousser ses limites. Après tout, si elle ne pouvait pas faire tout ce qu'elle fait à cause d'un manque d'argent, ça lui boufferait plutôt bien la vie. Sa dépendance insidieuse, il faudrait le dire, serait sans doute le pouvoir en lui-même, la fierté de la domination ou de l'art d'avoir pu être plus rusée que d'autres. Féministe et fière comme elle est, il n'est pas vraiment surprenant de savoir que ce qu'elle aime dans l'argent, c'est le pouvoir qu'il confère, et l'importance que beaucoup de gens y attachent.

Cher journal,
Papa a trompé maman. L'abrutie, si elle s'en rend seulement compte. Enfin, c'est ce que j'ai plus ou moins facilement compris en écoutant un peu leur dernière dispute en date. Moi, je l'ai toujours su, tout simplement parce que mon père n'a jamais rien eu des vrais pères. Les minables, ils vont bientôt regretter de me forcer à tenir un journal, ils devraient savoir pourtant qu'il ne faut pas croire tout ce que les psy racontent. Au moins, ça leur fait un bon prétexte pour se disputer et pendant ce temps, j'ai la paix. Ce soir, je dois sortir d'ailleurs, ouais, à quatorze ans on est surtout supposé se tenir à carreaux et alors ? Papa, maman, si vous lisez ces pages, je rentre vers 0h.

Bien à toi, cher journal adoré.
Paige XXX

LOS ANGELES (15 ANS) La promesse qu’elle s’était toujours faite : ne jamais terminer comme sa mère. Prisonnière d’une condition, enchaînée à un mariage bafoué, dont les cendres demeuraient palpables pour quelques raisons peu recommandables. C’était une jolie petite fille blonde, puis plus tard, muée en une très belle jeune femme ; tout la destinait donc à emprunter un chemin plus glorieux, une traversée de l’existence à même de satisfaire ses bonnes volontés. Un soupir la trahit, alors qu’elle ignorait à moitié ses devoirs, allongée sur son lit, son regard surtout rivé sur le téléphone un peu plus loin. C’était bien la seule chose qu’elle attendait aujourd’hui, un coup de fil décisif au sujet du bal de promo à venir, l’événement de l’année, le seul qui vaille la peine qu’elle continue de suivre les précieux cours en école privée que ses parents se donnaient la peine de lui payer. Quelle mascarade. Elle le savait, usant de son dédain orgueilleux, qu’elle était encore le seul lien qui unissait ses parents, empêchant ainsi les photos de famille parfaites de mentir. D’un claquement de doigt, elle pourrait fracturer le paraître pour laisser voir la réalité. C’est bel et bien une sonnerie qui la tira de sa silencieuse patience, mais pas celle du téléphone. Tant pis, quelqu’un d’autre finirait bien par répondre, elle n’esquissa pas le moindre intérêt pour le visiteur. Cette baraque, dans laquelle elle avait toujours grandie, elle la connaissait assez pour savoir qu’elle n’y était certainement pas seule, et qu’un secours finirait par arriver à l’invité surprise. Deuxième coup de sonnette, troisième. « MAMAN ! Y’a personne ou quoi ?! Ce serait bien la première fois ! » L’indifférence la quittait, rattrapée par l’exaspération, et c’est en traînant des pieds qu’elle parcourut une bonne moitié du grand manoir familial. Guère d’espoir que ce soit la personne qu’elle désirait voir, et son sentiment ne fut que confirmé lorsqu’elle ouvrit la porte. Le dégoût la prit avant tout, dans une mine sensiblement véhémente trahissant son visage, un inconnu qui avait aligné plusieurs heures de taxi se retrouvait devant leur porte… et ? Le sourcil qu’elle arqua se fit dédaigneux, désireux de réponses sans avoir à formuler les questions, à moins que le visiteur soit également débile. A perdre son regard dans le sien cependant, elle se sentit faillir à son antipathie grimée, jusqu’à se reprendre, guindant les épaules avec classe, dans un ricanement sonore aux premières paroles de celui-ci. De ? « Mauvaise adresse. Mauvais quartier. » Il la prenait pour qui ? Une agence d’adoption ? S’il avait été moche, pour sûr, elle ne se serait même pas donné la peine de lui ouvrir, qu’il s’en estime donc heureux. Mais il n’en fit rien, la provoquant de plus belle, avec son air de brun ténébreux persuadé d’être irrésistible, pour franchir l’entrée de la maison sans lui laisser la moindre chance de l’en empêcher. Si seulement il s’était donné la peine de porter autre chose que ses fringues pour la rue, peut-être bien qu’elle l’aurait fait entrer de son plein gré, que ce soit pour piquer de l’argent à son père ou toute autre occupation. L’habituel ‘Paige, va dans ta chambre’ ne tarda pas à tomber, la plongeant dans l’indécente ignorance, la confrontant à la stupidité de ses parents qui la pensaient bien trop à tort, naïve à l’excès.

TIJUANA (24 ANS) Il avait été le fruit défendu, l’intouchable, celui qu’il fallait à tout prix éviter. Celui qu’on cherchait à lui faire éviter, l’aimant auquel elle ne pouvait résister. Ne serait-ce que pour une œillade, rencontre lointaine, indicible, invisible aux autres yeux que les leurs. Pauvre de lui, privé de tout mystère, fils de son père tout autant qu’elle était la fille de celui-ci, deux vives vérités qui ne devaient s’entrechoquer mais qui sont inlassablement ramenées l’une face à l’autre. Il avait été l’impétueux qui avait mis à sac l’existence trop plate qu’elle avait toujours eu et voilà que le jeu était devenu dangereux. Mais la liberté d’enfreindre les règles la grisait, de la tête au pied en un délectable frisson. Tijuana, le lieu de tous les péchés, le lieu sans éthique, tout autant détentrice de péchés que ses songes secrets, cet Eden privé qu’elle ne partageait guère, si ce n’est en quelques instants frivoles, guindés d’indécence. Un soupir la prit, son regard traversa la foule, à la recherche de son cavalier de ce soir, de deux fois et demi son âge, charmant… riche. Entreprenant. Ce sont des azurs faussement félines qu’elle ficha dans les yeux lubriques de son interlocuteur, avalant une gorgée de champagne, la soirée suivait parfaitement son cours, dans la plus claire entente qui soit : lui, accroché au bras d’une sirène blonde et sans défaut et elle, prête à empocher un bon petit paquet d’argent. Il n’y avait que ses pensées qui divaguaient. Ailleurs, dans ce rêve qu’elle avait fait cette nuit. Au combien doux rêve, délectable rien que par les interdits qu’il bravait, en ces traductions sur le voile de ses prunelles des inconscients fantasmes qui la secouaient. Il avait eu une poigne violente et impartiale, ardente à souhait, à même de la faire vibrer de la tête aux pieds. Le brasier au creux de ses reins reprit de plus belle, alors que les souvenirs dansaient à nouveau dans son esprit. Elle les chassa, dans une accolade sinueuse glissée au compagnon de sa soirée, alors que c’était sans gêne que sa main se fichait contre ses fesses. Avec toute cette lubricité transpirant à travers tous ses pores, ce mec avait tout pour rappeler à la demoiselle le père qu’elle n’avait que trop souvent essayé de connaître. Celui qu’elle avait fui, celui à qui elle mentait comme depuis toujours. Parce que sa vie actuelle était défendue, parce que si les choses se remettaient dans l’ordre ce soir, ce serait cet homme, aux mains baladeuses, qui lui mangerait dans la main, rien que dans l’espoir d’attirer son attention. Qu’importe, c’était un jeu délectable que de faire flancher les bonnes volontés d’un homme rien qu’en une œillade.

Longue soirée, de laquelle elle se repentait à présent, esquissant quelques mouvements pour laisser tomber ses hauts escarpins dans le coin du canapé. C’est avec grâce qu’elle abandonnait toute décence pour s’allonger sur celui-ci, laissant tout le loisir à l’âpre goût du whisky de se répandre dans toute sa gorge. La fatigue l’avait rattrapée, malgré le rythme fiévreux de Tijuana. Celui de sa vie tout court. Mais c’est un bruit un peu plus loin qui la ramena à la réalité ; les journées de son cher demi-frère étaient plus complexes encore que les siennes. Et cette constatation arracha un sourire railleur à la demoiselle, alors qu’elle se relevait. Féline, discrète, esquissant un discret mouvement le long du tracé de sa cuisse pour malencontreusement soulever le pan de sa robe. « Pas de prison ce soir ? Je vais croire que tu te ramollis. » Faits du même sang, des mêmes histoires de tromperies et pourtant si différents, en quelques aspects indispensables. Elle eut un sourire obséquieux lorsqu’il la toisa, se rendant enfin compte de sa présence là où elle s’était faite discrète : après tout, elle était chez elle aussi. De sa démarche mesurée et souple, elle s’approcha, se glissant juste devant lui pour se servir un nouveau verre, laissant tout le loisir à ses azurs de le vriller d’un regard au passage. Tijuana, c’était tout un bond en avant pour lui, fait de péripéties en tout genre, alors pourquoi pas celle-là ? L’indicible, la silencieuse tentation sur laquelle il lorgnait avec insistance à chaque fois. Si familier de ceux qui la dévoraient du regard, alors quoi ? Si réaliser ses fiévreux fantasmes se brimait par un concept aussi brouillon que la famille, elle voulait bien croire qu’il n’était en rien de sa famille. Après tout, à part le sang, ils ne partageaient rien, si ce n’est cette baraque à la taille indécente, dans un tel pays. Qu’importe. La famille c’était bien trop abstrait pour eux pour que ça les arrête. Pour que ça l’arrête, elle en tout cas. Et indéniablement, elle savait qu’il la rejoindrait dans ces pensées coupables, tôt ou tard, rien que pour le bon plaisir de se complaire ouvertement des émois qui le traversaient à chaque fois qu’il laissait sa poigne s’emparer d’elle.