« Tu l'as achetée avec quelle fric c'te montre ? » Je baissai les yeux. Je la sentais venir, la baffe. La gifle dans la gueule qui rougit ma pauvre pommette jusqu'au sang. Si je mentais, c'était les coups de pieds. Si je disais vrai, c'était les coups de poings. Je ne lâchai pas un mot, matant mes lacets défaits, étalés sur le plancher de la cuisine. « Tu sais qu'ta mère bosse plus parce qu'on a plus rien pour t'acheter à bouffer, tu le sais ça ? File-la moi ! » « Non. » Ce tocard puait l'alcool à des kilomètres à la ronde. Je sentais son souffle envenimait mes narines pendant qu'il s'adonnait à son jeu préféré; celui de la domination. Monsieur aimait frapper, monsieur aimait montrer qui était le plus fort sous se toit qui se cassait la gueule secondes après secondes. « Répète, ordure ! » « J'te filerai pas la montre. » « Tu veux que je te broie la main pour la choper ? » Il lâcha la table bancale qui le retenait et se jeta sur moi. Je l'esquivai et filai vers la gauche, prenant la porte d'entrée et la renfermant avec violence derrière moi. Un jour il en bavera, ce con. Un jour je lui refourguerai toute la haine tapie depuis toujours et il n'osera plus me regarder dans les yeux. Un jour papa, tu comprendras que le monde n'est pas une gigantesque goutte de whisky.




J'étais pendu à ses lèvres, scrutant son regard plongé dans le mien. Cette fille était endiablée. La fusion de nos deux êtres était un acharnement ardent. Maddy balança ses cheveux blonds emmêlés d'un mouvement de tête. Je plongeai mon regard dans le sien, le même que celui que j'avais heurté, il y a une bonne dizaine d'année, dans la cour de récré, alors que nos poings se déchaînaient, face au goudron. Nul ne pouvait définir ce qui unissait deux pauvres personnes comme nous. Le destin peinait tant à nous séparer. Maddy était fougueuse. Maddy était une muse. Maddy était la perle rare que je respectais mieux que personne. Elle s'était ancrée dans ma vie et la délaisser aurait provoquer une descente aux abimes qu'aucun d'entre nous n'aurait pu contrôler, ou même imaginer. Ô Maddy, au corps à l'apparence si frêle, qui danse si bien entre nos caresses indociles. Nous pétillons d'ardeur de vivre, de liberté, un impétueux bouillonnement d'amour fraternel, touché par la violence de ta jalousie et de ta frénésie. Jamais je n'arriverai à pointer du doigt ce que l'impudence faisait de nous, à mettre un mot sur notre affranchissement partagé, mêlé en une douce essence de désinvolture du monde. Je connais ta silhouette charnelle par cœur, ton âme délicate et aride à la fois. Je ne suis pas ton esclave, ni ta gouverne. Je suis une partie de toi, et de ton intimité, Maddy la superbe.





Trois jours que nous roulions. Les États-Unis étaient déjà loin, à nos pieds, dominés. Nous les avions semés derrière nous, avec les graines de l'indépendance. Ô doux paternel, tes coups insolents s'étaient déjà effacés de mon pauvre corps, démunis de ton amour faux et fracassant. Je t'avais oublié depuis une éternité. En cette soirée d'été, je mâchonnais les reste de notre lien de géniteur à généré dans une téquila mal servie. D'un œil provocateur, je scrutais Maddy, dansante au milieu de mexicos en chaleur. J'admirais ses hanches ondoyant dans cette odeur de sueur renfermée pimentée d'alcool, qui prenaient part à cette chaleur pesante. Je sirotai une gorgée, et dégainai un paquet de clopes miteuses vendues à moitié prix dans une de ces stations services glauques plantées au milieu d'un désert aride. Les basses se ressentaient jusqu'aux creux de mes poumons asphyxiés par la fumée d'une cigarette. Maddy bougeait sa tignasse, ses épaules fluides glissantes parmi la foule. Puis ce type s'approcha trop près. Sa grosse main de porc mal famé eut le mauvais gout d'effleurer sa chute de rein, et de descendre trop bas. Maddy me regarda, avec son sourire effronté avant de détourner son visage et de se coller un peu plus sensuellement à cet homme gras, même pas si vieux qu'il en avait l'air. Le salaud. Je ne pus m'empêcher de pouffer dans mon verre avant de le poser violemment sur le comptoir. Avec tant de rage que le barman sursauta. La musique embaumant mes tympans, je m'avançai au milieu de la piste de danse, écartant ces pauvres gens. Maddy ne s'arrêta pas. Pshit. Mon mégot s'était éteint sur la pommette de ce pauvre gars qui cria de douleur. Clac. Sa salive vola jusqu'au décolleté d'une pauvre latina. Il commença à saigner de la mâchoire et se releva péniblement pour un coup de poing bien placé dans mon estomac qui rejeta d'une gorgée mon infâme téquila. « T'en veux connard, hein ! » Bam. Un coup de pied dans les parties génitales. Le bain de foule continuait de se mouvoir au son de la musique. Je pris Maddy par le bras, à la vue de sont rictus allègre. Une fois dehors, je défoulai ma férocité contre ses lèvres, puis nous ébats de couleur âpre sur la banquette arrière prirent forme au milieu de cette fureur. A la naissance du jour, nous reprenions la route. J'étais là pour sa sœur. Mais tous deux savions ô combien j'étais la pour elle.