▻ Manies et habitudes
elle adore la glace, ça doit être son côté enfantin qui ressort, mais elle en mange dès qu'elle en a l'occasion ◈ sa soif de culture n'a pas de limite, tant et si bien que ses programmes favoris à la télé sont ceux concernant des histoires culturelles, historiques ou autres ◈ il paraît qu'elle chante divinement bien, elle a une très belle voix, suave contrairement à ce que beaucoup peuvent croire, elle adore le jazz ◈ depuis qu'elle a été enceinte, elle est sujette à des migraines très fortes qui la rendent particulièrement irritable et sensible aux odeurs et à la lumière ◈ solie fait la cuisine avec talents, elle a appris avec "sa mère" ou du moins, les nombreuses mères de la secte où elle a grandi, et elle connaît donc de nombreuses façons de satisfaire les palais de ces messieurs ◈ elle croit en dieu, est pratiquante, et estime trouver son seul refuge dans une relation avec l'église, c'est ainsi que toutes ses valeurs lui ont été inculquées de toute manière ◈ sa vision des choses reste éminemment classique, la femme doit rester à la maison et satisfaire les besoins/volontés des hommes, c'est ainsi qu'elle se retrouve généralement soumise à des idées misogynes qu'elle s'impose à elle-même ◈ en débarquant à tijuana elle ne parlait pas un seul mot d'espagnol, elle a appris sur le tas, en échangeant quelques paroles avec d'autres ◈ elle a peur de l'avion, mais elle a adoré particulièrement le train quand elle a quitté les états-unis ◈ la superstition, c'est sans doute son pire péché, elle ne pourrait pas croiser un chat noir sans en attendre des conséquences redoutables, c'était une chose que sa mère avait beaucoup et qu'elle lui a transmis ◈ avant ses dix-sept ans, solie n'avait jamais mangé de burger ou de frites, elle y a goûté et c'est devenu son plat favori, sinon elle adore le mexicain ◈ au milieu des rues du grand tijuana, elle est la prostituée au visage de poupée qui se fait désirer pour sa docilité et la sensibilité dont elle transpire qui la rend si malléable ◈ sa drogue, c'est principalement de l'héroïne, à une époque quand elle était sous l'influence de son gourou, elle se faisait injecter de la drogue à même de la rendre docile, aujourd'hui, elle la sniffe ◈ elle ne sait pas utiliser les ordinateurs, ça a d'ailleurs très vite le don de l'énerver, et elle n'a que rarement le réflexe d'utiliser son téléphone portable ◈ ce n'est que rarement qu'elle prend des douches, leur préférant un bain bien chaud et reposant, qui lui permet généralement de se nettoyer de toutes les imperfections de sa journée ◈ elle adore les films, et n'en a que très rarement vus, puisqu'elle ne peut pas aller au cinéma par ses propres moyens généralement, mais le côté salle obscure a le don de la fasciner, à tijuana elle se souvient avoir vu quelques films de chaplin qui lui ont offert l'un de ses meilleurs moments d'existence.

▻ Votre dépendance
Est-ce vraiment elle qui a décidé de sauter le pas ? De plonger dans cet abysse sans fond ? Peut-être. Peut-être pas. C'est simplement le fléau de son existence, l'arme suprême qui la détruit à chaque fois qu'elle tente de s'en sortir. Si tant est qu'elle le tente avec un tant soit peu d'ardeur, polluée, empoisonnée, détruite. La mort ne semble plus être que sa seule libération, défaite petite chose qu'elle est devenue : elle n'est plus qu'un pantin aux mains blanchies de son bourreau poudreux, ingurgitant ses cauchemars ténébreux aux affres de la drogue. C'est une libération tout à fait particulière qu'elle attend, un salut quelconque qui ne se penche pas sur elle. Et voilà qu'elle est prisonnière de son esprit démoli, de son dédale disgracieux.

Ta mère m’a dit que tu avais treize ans, aujourd’hui. Les mots s’étaient incrustés dans le voile de ses tympans, la guindant de fierté. Elle, la naïve gamine aux gestes encore innocents, aux idées encore polluées par l’inconscience. Un doux visage, aux joues rosées comme celles d’une poupée, le péché à l’état pur, fondu dans une sirène à l’air enfantin. Aux illusions qu’il allait briser de ses mains rêches. Celles-ci, qui s’étaient fièrement posées sur les maigres épaules de l’enfant, et qui dégringolaient lentement le long de ses bras fins, en des caresses. Subtiles, puis suaves. Lascives, jusqu’à se concentrer sur la zone de toutes ses attentions, la bretelle de sa chemise de nuit, dans un toucher disgracieux qui la fit frissonner d’un effroi inconscient. L’enfer la happait, alors qu’elle ne pouvait que trembloter, qu’elle n’osait bouger. Tout le monde la détesterait si elle disait quoique ce soit. Il ne fallait pas parler, pas parler. Alors qu’il échouait ses lèvres sur le grain soyeux de sa joue, amenant sous l’appréhension, une larme à perler à la suite de cette embrassade, incontrôlable. Stupide, stupide. C’était dans sa tête, des prières qui tournaient en boucle, mélopées d’un autre temps qu’elle avait apprises par cœur, comme une berceuse d’enfance qui lui avait été injectée dans l’esprit sous l’endoctrinement. Des mots, encore des mots qu’elle répétait dans sa tête alors qu’elle n’agissait pas. Qu’elle se faisait molle entre ses bras, alors que d’une main inquisitrice, il l’entraînait vers son lit. Elle crut y déceler le parfum de sa mère. Ou d’une autre femme attachée à l’idée de mère. C’était flou, si flou dans l’étreinte de sa gorge, la nausée qui lui montait à la gorge, l’indécence naissant dans ses touchers. Mais elle ne disait rien, imperturbable, ses lèvres closes, serrées l’une contre l’autre avec crispation, à mesure que la désillusion de la réalité s’emparait d’elle. C'était la fidélité, cette indéfectible confiance qui faisait qu'elle ne bougeait pas, en sentant la bouche de l'homme s'écraser dans son cou, croyant à une erreur, une folie passagère. Mais il devait donc en être ainsi, paroles assassines qui firent palpiter le sang à ses tempes, alors qu'elle n'était plus qu'une petite chose, si vulnérable sous son poids.

Elle ne l’effaça pas, l’imperceptible larme qui la trahissait dans ses frissons, percluse de douleurs, rattrapée par les affres de son passé. Ces souvenirs, inlassables souvenirs qui brouillaient sa vue, qui se filtraient sur le voile de ses paupières sitôt qu’elle s’égarait à fermer les yeux. Tant elle était un spectre à elle-même, sa seule délivrance restait dans la seringue qu’elle avait achetée, avec d’autres. Les yeux de la tête, comme d’habitude. Elle devrait travailler avec plus d’ardeur, si tant est que pute soit un quelconque travail. Recluse dans un coin de rue, appuyée contre un mur, elle passa une main sous son nez, clarifiant ses narines en prenant une longue bouffée d’air. Un regard à droite. Un regard à gauche, et elle souleva la manche de son fin gilet, prenant encore garde à ne pas éveiller les picotements douloureux des cicatrices des dernières marques qu’elle s’était infligées. Des entailles, coupures le long de son bras, tantôt profondes, tantôt discrètes tant elles étaient incontrôlées. Personne encore ne les avait remarquées, ces hommes trop occupés à la baiser pour remarquer en quoique ce soit les signes de sa déchéance, ceux qu’elle affichait ouvertement. Tant mieux, ça ne ferait que lui faire perdre des clients. C’est contre sa peau durcit qu’elle arrêta ses doigts, la chair encore sensible de ses dernières injections. Qu’importe, elle en avait besoin. Tremblante petite feuille prise par les ravages de son existence, par des sursauts de souvenirs ténébreux qui revenaient encore dans son esprit. Comment elle s’était mystérieusement cassé le bras, inventant un escalier dans une baraque où il n’y en avait guère. Comment elle avait fui, fui, encore plus vite, avec toujours plus de force. Fui. Pour sa vie, pour ne pas sombrer. Sauver. Se sauver elle-même, ou sauver l’être qui logeait dans ses entrailles, dont les prémices de vie s’étaient faits sentir sous ses doigts. Qu’elle n’avait pu garder. Une vague de culpabilité la submergea, amère, assassine. Jusqu’à ce que tout soit annihilé par le frisson ravageur de son plaisir, celui qui transcenda ses chairs lorsque la pointe de la seringue vint déchirer son bras, lorsque le liquide bouillant vint crisper ses muscles, rendre ivre son esprit.