Cela faisait quelques semaines qu'il se trouvait ici, dans cette ville qu'il croyait salvatrice de son inspiration. Une ville qui lui était inconnue et qui était réputée pour l'action qui pouvait s'y produire, que ce soit dans le légal ou l'illégal. Lui qui avait pour habitude d'écrire des romans assez hard, il était probablement au bon endroit. Frederick avait mis les pieds pour la première fois dans le bar de danseuse de la ville et il avait rencontré une brune assez farouche qui était venue à sa table. Jeune. Peut-être trop. Elle avait été l'investigatrice de quelques lignes qui lui était venue en tête pour un roman, mais ce n'était pas assez, il avait besoin de plus et cela impliquait surement de la revoir. Elle qui semblait vouloir un peu plus que quelques paroles. L'écrivain n'était pas le genre d'homme à coucher avec des prostituées ou des danseuses. Depuis la mort de sa femme, il se contentait de vivre en solitaire et de rester dans son mutisme et sa solitude bien ancrée. Il ne dormait que très peu, se contentant de s'enfoncer dans le fond de son lit à écouter les trames de fonds qui jouaient dans l'hôtel, rien de bien intéressant. Son regard fixant le plafond alors que le sommeil ne semblait pas le gagner, malgré la ténacité dont il faisait preuve pour tenter de trouver une once de sommeil. C'est immobile qu'il attendait le lever du soleil, ne cessant de penser à toute sorte de choses, tentant de trouver des idées pour ses écrits. Il avait de la pression de tous les côtés, mais l'inspiration n'était plus au rendez-vous depuis trop longtemps, il avait simplement envie de ne plus rien faire. La mort de sa femme l'avait trop changé. Un autre homme que l'on pouvait voir, bien plus distant, bien plus froid, n'ayant même plus envie de signer quelques autographes, préférant s'éclipser et attirer les foudres de ses admirateurs, mais qu'importe.

C'est quand les premiers rayons du soleil venaient lécher son visage qu'il se levait de son lit moelleux, il aurait pu y rester bien plus longtemps, mais il n'aimait pas perdre son temps dans la contemplation du plafond. Le musicien se dirigeait vers la salle de bain de sa suite, une chambre assez grande pour être un appartement. C'est sous la douche qu'il se plaçait, laissant l'eau brûler sa peau dans un soupir de satisfaction. Passant ses mains dans ses cheveux mi-long, profitant de cette sensation qui avait le don de l'éveiller encore plus qu'il ne l'était déjà. C'était une simple routine matinale, enfiler des habits et sortir de sa chambre pour manger quelque chose. C'est mentalement qu'il se questionnait sur ce qu'il allait faire de sa journée et il finit par sortir prendre un peu l'air, tenter de trouver quelque chose à faire ou quelque chose pour l'aider dans cette envie de ne pas écrire et de ne rien faire. Ses pensées de dirigeait vers cette jeune brune qui avait semé le trouble dans son esprit, il ne savait pas ce qu'elle lui voulait, il ne savait pas ce qu'elle faisait dans cette boîte, se doutant qu'elle n'avait pas du avoir la vie facile. Marchant dans les rues, passant une cigarette entre ses lèvres, puis une autre. Profitant de la chaleur du soleil sur son visage. Rien de bien intéressant, en somme. Pendant la journée, les rues semblaient particulièrement tranquilles. C'est la nuit que la bête semblait se réveiller. C'est plus tard dans la journée qu'il revenait dans l'hôtel, entreprenant une petite visite et arrivant dans la salle commune ornée d'un piano. On lui jetait des regards, parce qu'il était seul, parce qu'il ne semblait pas avoir envie de passer la journée avec quelqu'un, mais cela lui importait très peu. C'est derrière la large piano qu'il se posait, laissant ses doigts caresser les touches et se mettant à jouer pour le simple plaisait de le faire. Il aimait jouer. Cela avait le don de le détendre et il savait comment y faire alors les gens semblaient apprécier ce qu'il jouait. Ses yeux divaguaient de temps en temps à travers la foule, jouant pas automatisme, n'ayant presque pas le besoin de regarder ce qu'il était en train de faire pour jouer. C'est son regard qui se posait sur une femme qu'il avait déjà croisé dans l'hôtel, qui lui était rentré dedans. Une femme assez magnifique et cette fois, elle portait des vêtements de femme d'entretien. Elle travaillait ici? Il lui jetait un regard, avant de reposer ses yeux sur ses doigts, sur ce qu'il était en train de jouer. Ce n'est pas lui qui allait lui poser la question, il préférait se concentrer sur ce qu'il était en train de faire. Notre solitaire n'allait surement pas allez vers elle, ce n'était pas du tout son genre.

Depuis quelque temps qu'il se trouvait ici. D'ailleurs, l'inspiration avait du mal à venir si ce n'était que quelques phrases qui lui venaient de temps en temps. Rien de bien concluant pour écrire un roman. C'était atroce. Cette envie d'écrire alors que rien ne semblait lui venir en tête autre que sa femme, qui était morte depuis bien longtemps. C'est ce moment qui avait changé sa vie. Fais de lui l'antisocial qu'il pouvait être. Certains pensaient qu'il pouvait être timide, mais ça n'avait rien à voir. C'est l'intéressement qui ne se faisait pas. L'envie d'accorder du temps, de perdre son temps à parler de choses complètement inutiles. Inutile de chercher à comprendre. C'est simplement le désintérêt de la vie, des gens, qui le portait à agir de la sorte. Frederick était bien trop obnubilé par le fait de devoir écrire, de trouver quelque chose à faire pour accorder du temps aux autres. Qu'importe. C'est plus tard dans la journée qu'il se décidait à visiter l'hôtel et tomber sur ce piano. Jouer lui avait manqué et il ne se doutait pas qu'il y avait un piano aussi majestueux dans cet endroit. C'est rapidement qu'il s’était mis à jouer, pour le plaisir de certains et pour le sien, particulièrement. Il laissait ses doigts courir, jouant par habitude, n'ayant presque pas besoin de poser ses yeux sur les notes tellement il avait pu jouer sans sa vie. Frederick était aussi compositeur et avait écrit pas mal de mélodies, c'est ce qu'il s'adonnait à jouer à ce moment, ses écrits.

C'est après un moment qu'une femme venait prendre place à côté de lui. Une femme qu'il avait pu croiser un moment plus tôt dans la semaine. Si au début, il pensait qu'elle vivait elle aussi dans cet endroit, maintenant il pensait qu'il y travaillait, vu ce qu'elle était en train de porter. Lui, assez inapte à parler pour rien dire, à parler pour dire des choses dont il n'avait simplement pas envie de parler. Il n'avait aucune idée de ce qu'il pourrait bien lui raconter, de ce dont il avait envie de lui parler et elle semblait bien à l'aise de lui faire la conversation alors qu'il terminait le morceau qu'il était en train de jouer. C'est un regard rapidement qu'il lui jetait alors qu'il le reposait ensuite sur le piano. Pas qu'il était timide de parler à une femme. Loin de là. Étrange de voir comment elle se sentait à l'aise de lui parler alors qu'elle ne le connaissait pas le moins du monde, alors qu'il ne semblait pas enclin à parler à qui que ce soit, qu'il restait dans son coin sans parler à qui que ce soit et elle venait, comme s'ils se connaissaient depuis des lustres. C'est finalement qu'il reposait son regard dans celui de la jeune femme. « -Je connais beaucoup de choses oui.» Voilà. Qu'est-ce qu'il pouvait être inintéressant, mais au moins, il répondait à ce qu'elle venait de lui dire et ne se contentait pas de l'ignorer. Le banc étant un espace relativement restreint, il n'avait eu d'autre choix que de se reculer pour lui laisser un peu de place, laissant au loisir de son bras de caresser le sien alors qu'il se mettait une nouvelle fois à jouer. « -Je ne suis pas musicien, mais je joue du piano et je compose.» Il faisait bien d'autre chose, mais il allait se contenir de lui parler de sa vie, chose qu'il n'aimait pas particulièrement faire de toute façon.

Frederick n'était pas du genre bavard. En fait, s'il pouvait simplement éviter les contacts humains cela serait surement des plus arrangeant. Depuis la mort de sa femme, il ne voyait pas l'intérêt de parler aux autres, pour s'attacher, pour lier une amitié et finir par les perdre, par la même occasion. Il ne voulait plus que la souffrance fasse partir de son vocabulaire, alors il évitait simplement les femmes, se noyant dans les clopes et les verres de rhum. C'était un parfait moyen de se détendre et de se rendre compte à quel point sa vie était des plus ennuyante, mais il se complaisait parfaitement dans cette solitude qu'il avait. Depuis le temps, il avait perdu les manières de faire pour se montrer sociale, n'alimentant que très peu les sujets de conversation et c'est exactement ce qu'il était en train de faire avec la femme qui venait se poser près de lui, qui contrairement à l'écrivain, semblait des plus sociable et savait y faire avec les relations humaines. Il ne savait pas à quel point, puisqu'elle offrait à corps au plus offrant, ce qui semblait bien souvent avoir lieu d'être dans cette ville. Il ne savait pas ce qu'il allait pouvoir lui raconter et elle semblait bien vouloir lui parler. Il continuait de jouer, se disant qu'elle allait peut-être partir si elle se rendait compte qu'il n'avait pas réellement envie de lui parler. C'est son regard qui se reposait sur la touche, écoutant ce qu'elle pouvait lui dire. Ce n'était pas le fait qu'il la pensait inférieure à lui, mais qu'il n'était franchement pas du genre très sociable. C'est un nouveau regard qu'il lui portait alors qu'il cessait simplement sa chanson après un moment, laissant ses mains sur le piano un moment avant de la poser ailleurs, sur ses jambes par exemple. « -À vrai dire. Oui surement que c'est l'inspiration.» Et quand elle ne vient pas, ça a tout d'atroce, parce qu'il tente de la retrouver par tous les moyens quitte à vivre dans une autre ville et de se rendre dans des boites de strip-tease, ce qui n'était franchement pas le genre de Frederick. Il laissait son regard se poser sur la jeune femme qui semblait avoir un tas de questions à lui poser. Il semblait qu'il n'y avait rien d'intéressant à lui raconter tout cela, mais c'est toute autre chose qu'elle semblait penser. « -Je compose parce que ça me donne de l'argent et que c'est une partie de mon métier.» Quelle était donc cette autre partie. Écrivain. Juste que cela faisait bien trop longtemps qu'il n'avait pas écrit quoi que ce soit et c'était littéralement en train de le rendre fou lui et son agent. Depuis la mort de sa femme, c'était le vide. Comme s'il avait perdu sa muse et sa raison de vivre par la même occasion. C'est un sourire qu'elle finit par lui arracher alors qu'il haussait simplement les épaules. « -Il n'est jamais trop tard pour commencer. Tout s'apprend, ça prend juste un peu de temps.» Il le pensait. Ce n'est surement pas lui qui allait lui donner des cours, mais si elle avait envie de le jouer, elle n'avait qu'à le faire. Jouer du piano prenait simplement un peu de pratique et apprendre à lire facilement une portée, quand on ne pouvait pas improviser. Il n'y avait rien de bien sorcier dans cela. Il détournait le regard de temps en temps, comme s'il cherchait à fuir celui de la jeune femme et c'est une nouvelle fois qu'il la regardait. « -Je crois oui. Ici. On s'est juste croisé dans l'hôtel, enfin percuté.» C'était le bon mot, mais ils ne s'étaient jamais parlé avant maintenant.

En venant jouer, il ne s'attendait pas à ce que qui que ce soit ne vienne lui adresser la parole, comme il ne connaissait personne ici, il s'attendait à pouvoir jouer sans prise de tête. Ce ne fut pourtant pas le cas puisque la femme venait se poser tout juste près de lui. Bien curieuse, lui qui n'était pas le genre d'homme à parler de sa vie, il tentait quand même de lui répondre, mettant de côté sa froideur habituelle, jouant simplement de neutralité, sans se montrer trop intéresser, ni le contraire. Un bon milieu entre les deux. Le compositeur avait fini par cesser de jouer, même s'il était amplement apte à jouer en lui parlant en même temps. Il avait cessé de laisser ses doigts parcourir les notes au dépendant de la femme qui était posé à côté de lui. Lui l'antisocial de service, mais elle ne se rendait simplement compte du mal qu'il avait à parler avec les autres puisqu'elle compensait amplement pour lui. C'est vaguement qu'il lui parlait de son métier, puisque depuis des années, il ne composait et n'écrivait que très peu et c'est pour cette raison qu'il se trouvait ici, pour tenter de trouver la moindre once d'inspiration. Il jouait, des morceaux qu'il avait écrits par le passé ou improvisait, mais rien d'assez bien pour donner à qui que ce soit. C'était la panne et il avait du mal à gérer cela. Frederick trouvait cela amusant qu'elle veuille jouer, mais qu'elle ne veuille prendre le temps d'apprendre. C'était tellement facile d'apprendre seule, il ne suffisait que d'une petite base pour savoir lire les notes et le tour était joué. Le piano était surement l'instrument le plus facile à jouer sans avoir de cours particulier pour cela. Il se voyait mal en train d'apprendre à qui que ce soit de jouer, n'ayant pas envie de perdre son temps dans de telles futilités, ce n'est pas lui qui allait se proposer pour lui donner des cours privés, encore moins s'il savait seulement le métier de la jeune femme, le réel métier. « -Je ne parle pas de cours, c'est assez facile d'apprendre seul, si jamais l'envie te prend.» De toute façon, c'était tellement facile d'en jouer, pour lui, il trouvait cela d'une grande simplicité et si elle avait envie de prendre un peu de temps pour le faire, surement qu'elle finirait pas être apte à le faire. Il ne lui donnerait pas un coup de main, parce qu'il n'en avait pas envie et malgré le fait qu'elle était bien gentille, lui ne l'était pas réellement. Enfin. Ce n'était pas question de gentillesse, mais c'était bien plus complexe que cela. Au final, ça n'avait pas vraiment d'importance, elle venait de lui dire qu'elle ne voudrait pas prendre de cours.

Il se souvenait avoir croisé la demoiselle dans les couloirs, alors qu'il pensait qu'elle était une simple cliente, aujourd'hui il pensait qu'elle travaillait ici alors que ce n'était pas le cas. Il ne prenait pas la peine d'entendre ses sous-entendus sexuels, surement parce qu'il n'était pas le genre d'homme à sauter sur la première femme qui venait lui adresser la parole, contrairement à tous les hommes avec qui elle devait coucher. « -C'est pas vraiment grave.» Ce n'était pas la fin du monde et il n'allait surement pas lui en vouloir pour de telle connerie. Alana. Il affichait un léger sourire, lui qui n'avait pas l'habitude de sourire ou de parler, voilà qu'il se sentait bien déstabilisé. « -Frederick et je me doute que ce n'était pas voulu. Sinon cela aurait été une bien piètre raison de m'aborder.» il haussait les épaules. Bon dieu qu'il n'était pas doué pour faire la conversation. « -J'espère que tu n'auras pas trop d'ennui parce que tu prends une pause.» Si seulement il savait réellement, mais ce n'était pas le cas.