1994 : Propos rapportés par une demoiselle déclarant avoir été la meilleure amie, la confidente et puis le reste ; Los Angeles.

« Regarde ! Je te parie que j’y arrive ! » « Ouais. Enfin c’est idiot comme jeu. » « T’as rien compris, c’est pas un jeu, c’est autre chose. » Elle sourit. Parce que Jezabelle, je la connais depuis longtemps, et puis parce qu’elle sourit souvent. Oui, c’est en quelque sorte ma meilleure amie, du moins elle l’a été jusqu’à il y a quelques temps. Elle était celle a qui je venais tout confier, et inversement. Oui, elle se hissait jusqu’à ma fenêtre dans ses tenues haute couture, grimpant a l’abri du regard de mes parents sur le cabanon de jardin. Elle m’amusait, parce que ses manières avec moi étaient le parfait opposé de ses manières en société. Elle souriait beaucoup, riait aux éclats, et me répétait que plus tard, elle laisserait tomber l’argent de son père pour devenir trapéziste dans un cirque. La vérité, c’est qu’elle a toujours beaucoup trop compté sur l’argent de son père Jezabelle. Mais c’est pas la question. Ce jour là, elle a décidé de me prouver ce qu’elle me prouvera a de nombreuses reprises par la suite. C’est pour ça qu’elle me laisse là, seule sur le trottoir d’en face, alors qu’elle s’approche sans précautions de la table où déjeunent plusieurs hommes en costumes. Elle dit qu’ils doivent être riches. Et elle dit aussi qu’elle ne touchera jamais a autre chose qu’un riche. Bam, envolée la trapéziste. Et moi, je sais même pas pourquoi je suis là, a la regarder sourire et jouer les grandes dames alors qu’elle vient tout juste d’atteindre la majorité. Ouais, Jezabelle elle me l’avait promis, qu’un jour, elle trouverait le moyen de se venger. De quoi me direz vous ? De l’amour je crois. Du moins au début, c’était ça. Parce qu’elle était bien trop jeune, et qu’elle était naïve Jezabelle, persuadée que les regards qu’on posait sur elle, ils étaient forcément gouvernés par de bonnes intentions. Et lui, ça a été pareil. Elle s’est persuadée a de nombreuses reprises qu’il avait fait ça parce qu’il était tombé fou amoureux d’elle, ou quelque chose comme ça. De nombreuses fois, après qu’il soit partit, elle m’a répété qu’il allait revenir le chercher, qu’ils iraient vivre ensemble, loin, très loin. Parce qu’à lui, elle lui avait offert ce qu’elle ne pourrait plus offrir a aucun autre. Et puis, parce que dans son monde a elle, dans ce monde régit par papa, les gens ne se moquent pas d’elle, bien au contraire. Ouais, oublié l’autorité parentale l’espace de quelques instant pour offrir sa virginité a un con venu de nulle part. C’est ce qu’elle dit maintenant. Que ce type est certainement le roi des cons, et le pire des abrutis qu’elle n’ai jamais rencontré. Alors oui, je pense que gamine, elle courait après lui comme on court après le grand amour, persuadée qu’il serait le bon. A présent, elle court après lui comme un chient court après un chat, persuadée qu’elle doit lui faire la peau. A la table où elle s’est intallée, j’entends le rire de Jezabelle qui s’élève, alors qu’un homme enroule déjà son bras autour de ses hanches. Je soupir. Ouais, t’avais raison Jezabelle, alors laisse tomber. Oublie là ton idée, ça t’apportera jamais rien de bon. Oui, tu réussiras a les séduire les hommes, tous si tu le désir, mais arrête. Le type qui t’as volé ta virginité avant de s’enfuir avec, il reviendra pas comme ça, il tombera pas comme ça dans tes bras. Pourtant, Jezabelle, elle me l’a dit, obstinée comme elle peut l’être, qu’un jour, il tomberait amoureux d’elle, et que ce jour là, a son tour elle l’oublierait.

2010 : Propos rapportés par monsieur Henri de quelque chose de bien compliqué : un nom un rallonge, vous imaginez bien le tableau ; Los Angeles.

« Vous attendez quelqu’un ? » « Vous certainement. » Elle sourit. Je n’ai jamais vu cette femme, et pourtant, j’ignore pourquoi mais je m’empare de la coupe de champagne qu’elle me tend. Elle a un bien joli sourire, et des manières que même mon ancienne épouse ne prétendrait pas avoir. Pourtant, tout comme moi elle faisait partie du beau monde, et les bijoux qu’elle portait a son cou a l’époque où on l’appelait madame laissait transparaitre l’immensité de ma fortune. Mais elle, la demoiselle debout devant moi, c’est différent. Sa silhouette, son regard, sa façon de déposer ses lèvres rouges contre le verre transparent, imprimant ainsi sa marque. Oui, déroutant me direz-vous. Alors je porte la coupe a mes lèvres, alors que la demoiselle me murmure que cette soirée manque sincèrement d’ambiance. Et c’est à mon tour de sourire, parce que malgré ses manières de grande dame, elle dit les choses, comme ça, comme si a part elle et moi personne ne pouvait les entendre. Oui, cette demoiselle a quelque chose de troublant. Parce qu’elle est là, élégante et légère, en compagnie du vieillard que je suis devenu. Et puis, elle dépose sa main au creux de mon bras avec une certaine assurance, comme si oui, au fond d’elle, elle était certaine que je la suivrais. Et je le fais. Princesse ou sorcière, j’ignore ce qu’elle est. Lorsque sa bouche embrasse mon coup, j’ai peur de la briser. Parce qu’elle me semble si fragile. Pourtant, lorsque sa main vient s’abattre sur ma poitrine pour me plaquer contre le mur de la salle de bain où elle a décidé semble-t-il de finir la soirée, j’ai l’impression d’être un gamin qui tombe amoureux pour la toute première fois. J’ignore qui est cette femme qui disait m’attendre. J’ignore d’où vient cette princesse aux allures de reines. Pourtant en fin de soirée, lorsque par pure politesse je lui proposais un peu d’argent pour la remercier, je n’ignorais plus que son refus marquerait le début de ma dépendance.

Oh oui, si certains s’abandonne a la drogue, a l’alcool ou aux femmes, moi, je m’abandonnais a Jezabelle, parce que sa simple façon de croiser les jambes lorsque je l’invitais a diner avec moi, me retournait le ventre, et tout ce qu’il y a de plus bas. J’étais la bête et elle était la belle, elle refusait sans cesse l’argent que je lui proposais, et me persuadait de la sorte qu’elle tombait réellement amoureuse de moi. Parce qu’au creux de mon cou, elle murmurait combien elle aimait ma présence, combien elle me trouvait rassurant. Pourtant, elle avait beau répéter que son amour pour moi n’avait pas de valeur, les bijoux et les robes qu’elle portait, elles, elles en avaient. Jezabelle, c’était cette chose qu’on croit inaccessible et qui pourtant s’offre a vous avec une facilité presque déconcertante. Elle m’aimait, j’en étais certain. J’étais certain qu’elle ne portait mes cadeaux que par politesse et non par intérêt. Parce que je le savais, a force de partager son lit, je savais qui elle était, et qu’elle femme elle deviendrait quand bien même elle hériterait de la fortune de son père. Un vieil ami a moi a qui par le passé j’offrais les conseils de mon expérience. Oui, tout s’expliquait. Ses manières, sa façon de se comporter lorsque les regards se posaient sur elle, sa façon de sourire, toujours sur la réserve. Jezabelle ne pouvait m’aimer pour mon argent puisqu’elle en avait presque tout autant. Du moins j’essayais de m’en persuader.

Comme les autres.

Et puis, a fallu qu’un jour je lui demande, pourquoi moi. Alors son regard, il est devenu bien plus froid qu’il ne l’avait jamais été. Elle s’est levé, a enroulé son corps nu dans un drap, elle qui ne s’était jamais montrée plus pudique que moi. « Je crois qu’il est temps qu’on arrête. » Non. Non elle ne pouvait pas s’en aller comme ça, en me laissant là, comme le con qu’elle m’avait fait devenir. Alors je me levais, ne prenant même pas le temps de cacher mon corps devenu disgracieux. « Jezabelle, épouse-moi ! » Il fallait que je le retienne, vous comprenez ? Il fallait que je la garde avec moi, parce que oui, a présent j’en étais certain, Jezabelle et ses grands yeux bruns avaient tout fait pour m’ensorceler ! Alors elle me devait de rester. Elle ne pouvait pas me laisser sans elle. Pourtant, a ma demain, son visage se transformait, et sur ses traits de poupée se dessinait un immense sourire. Oui, a ma proposition de devenir ma femme, elle répondait par un éclat de rire que je sentais soudain remplit d’ignorance a mon égard. Je n’étais rien. Juste un idiot avec qui il avait été bon de jouer.

J’ignore qui est cette femme, et quand bien même je le saurais, je refuserais d’en savoir plus. Parce que Jezabelle est une sorcière, une ensorceleuse au nez certainement crochu, qui se cache derrière l’apparence d’une princesse au visage de poupée, tellement fragile. Tellement belle.

2012 : Propos rapportés par un certain détective privé ayant préféré garder l’anonymat ; Los Angeles

« Je cherche Wayne Harisson. » « C’est pas ici que vous allez le trouver ma bonne dame. » « Bien, et où est ce que je peux le trouver ? » « Ah ça, ça vous vous couter un beau petit paquet de pognon ! » Alors sur le bureau, sa main laisse glisser un chèque déjà remplit et au bas duquel elle a déjà déposé sa signature. J’ignore ce qu’elle lui veut moi, a ce type, a ce Harisson, je sais juste que pour autant de zéro, je serais même prêt a le lui ramener en ville son déserteur. Surement un vieil amoureux qu’aura plus de donner de ses nouvelles. Peut-être même que c’est son ancien mari qui s’est tiré sans signer les papiers du divorce. Dans le métier, on en voit souvent des affaires comme ça. Bref, je sais pas. Je sais juste que moi a sa place au garçon, j’aurais pas laissé tomber une aussi jolie poulette. Ma femme a moi a côté, c’est franchement dégelasse. Et puis, elle a du fric, ça, ça se voit. Tellement que si j’avais été moins con, je l’aurais faite poireauter pour en avoir plus. Mais non. « A Tijuana m’dame. Il s’est tiré a Tijuana. Vous manquerez surement pas de le trouver là bas. » Elle sourit. Bordel, son sourire, c’est encore mieux que quand mon premier gamin il est venu au monde. Alors quand elle me tend la main pour me remercier, j’ai comme envie de l’embrasser, de la posséder, tout ça quoi. Sauf que quand je tente tu vois, quand j’approche mon visage du sien, c’est sa main que je rencontre. Une bien belle femme, avec de bien belles manières jusqu’à ce que je me prenne sa main en pleine tronche. J’aurais pas cru. Et puis, dans sa jolie robe, elle fait demi-tour alors que moi je réalise pas trop bien que je viens de me faire envoyer bouler. Et puis, avant de sortir, elle pointe son index vers moi. Bordel, cette nana, c’est n’importe quoi.