L’enfance est censée être l’une des meilleures périodes de la ville. L’enfance, c’est l’innocence. Ce ne sont que des foutaises. Je suis née en France il y a vingt-trois ans. J’aurai aimé dire que j’étais le fruit d’un amour véritable, que j’étais désirée, mais je ne sus jamais si c’était réellement le cas. Mes parents ne roulaient pas sur l’or. Ils avaient à peine de quoi payer toutes les factures. Mon père était employé dans une petite société en périphérie de la ville tandis que ma mère était femme au foyer : il fallait quand même bien que quelqu’un s’occupe de moi. Un jour, mon père annonça à ma mère qu’il était muté au Mexique pour assurer le fonctionnement d’une succursale de l’entreprise qui l’employé. Notre installation dans ce pays se fit assez facilement du fait que mes parents parlaient assez bien l’espagnol. Une aubaine quoi. On aurait pu croire que cette nouvelle vie serait meilleure, mais il n’en fut rien. Sans raison apparente, mon père commença à battre ma mère. Si elle disait ou faisait quelque chose qui ne lui plaisait pas, les coups pleuvaient. Petite, je n’y faisais pas vraiment attention. Seulement, au fil des jours, des mois, des années, mon père reporta une partie de sa colère sur moi également. En grandissant, j’ai pris conscience que ce qu’il faisait était mal. J’ai tenté de raisonner ma mère, mais elle ne voulait rien savoir. Elle l’aimait et par amour, elle ne porterait pas plainte pour coups et blessures. A l’école, je devais tout faire pour éviter que l’on remarque les bleus sur mes bras. Les blouses à longues manches étaient mes meilleures amies. Ce qui me permettait de tenir la tête hors de l’eau, c’était la chorale. Chanter était pour moi une manière d’évacuer tout ce stress, ce malaise.